Protection des espèces menacées : ce que prévoit la loi française

La France fait face à un défi majeur dans la préservation de sa biodiversité, avec plus de la moitié des espèces menacées ne bénéficiant pas d’une protection réglementaire suffisante. Alors que des propositions législatives récentes suscitent des inquiétudes chez les écologistes, des initiatives sectorielles tentent de combler ces lacunes. Ce dossier explore les mesures en vigueur, les réformes controversées et les enjeux critiques pour la conservation.
Les récentes propositions législatives suscitent des craintes
Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement examiné à l’Assemblée nationale, prévoit plusieurs mesures qui inquiètent les défenseurs de l’environnement. Adopté par le Sénat en avril 2025, ce texte vise à alléger les contraintes administratives pour les projets industriels, mais au prix d’un affaiblissement des garanties écologiques.
Présomption de raison impérative d’intérêt public majeur
Le texte introduit une présomption automatique de RIIPM pour de nombreux projets industriels, facilitant les dérogations aux interdictions de destruction d’espèces protégées. Cette mesure risque de contourner le principe de précaution, en permettant des dérogations sans évaluation approfondie des impacts environnementaux.
Retard des mesures de compensation écologique
L’article 18 du projet de loi propose de retarder les mesures de compensation écologique, vidant de sa substance le principe « éviter, réduire, compenser » inscrit dans la loi Biodiversité de 2016. Cette flexibilité temporelle pourrait entraîner une dégradation irréversible des écosystèmes, selon la LPO.
Suppression des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols
Le texte supprime l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols d’ici 2031, inscrit dans la loi Climat et Résilience de 2021. Certaines infrastructures industrielles seraient exemptées de cette règle, malgré leur impact sur les habitats naturels.
Des lacunes persistantes dans la protection réglementaire
Un rapport récent de l’UICN révèle que 56 % des espèces menacées en France ne sont pas protégées par des arrêtés ministériels ou préfectoraux. Cette couverture partielle met en péril des espèces vulnérables, dont certaines sont classées « en danger critique ».
Une protection insuffisante pour les espèces prioritaires
Les arrêtés de protection actuels excluent systématiquement les espèces « quasi menacées », bien que ces dernières présentent des facteurs de vulnérabilité (faible taux de reproduction, dépendance à des habitats spécifiques). L’UICN préconise d’étendre les interdictions à ces catégories, y compris la destruction des habitats.
Des arrêtés obsolètes face aux menaces actuelles
Certains textes réglementaires datent des années 1980 (comme pour les plantes ou les poissons d’eau douce) et ne reflètent plus les réalités écologiques. L’exemple de l’Agrion joli, une libellule vulnérable, illustre cette déconnexion : son statut de protection n’a pas été révisé depuis des décennies.
L’absence de protection des habitats essentiels
Les arrêtés actuels ne mentionnent pas systématiquement la protection des habitats critiques pour les espèces menacées. L’UICN insiste sur la nécessité d’intégrer ces zones dans les mesures réglementaires, notamment pour les espèces endémiques ou migratoires.
Des initiatives sectorielles pour combler les lacunes

Malgré les critiques, des dispositifs spécifiques visent à protéger des espèces ou des écosystèmes particuliers.
La MAEC PRM 2025 : soutien aux races menacées
La Mesure Agro-Environnementale et Climatique « Protection des Races Menacées » (MAEC PRM) cible les races animales à faible effectif. Ce dispositif, financé par le FEADER, encourage les éleveurs à préserver des races locales en péril, via des aides à l’investissement et à la production.
Mission Nature 2025 : focus sur les milieux marins
Dans le cadre de l’Année de la Mer, la Mission Nature 2025 oriente ses efforts vers la préservation des écosystèmes marins et littoraux. Ce programme, piloté par le ministère de la Transition écologique, vise à renforcer la connaissance scientifique et la protection des espèces marines menacées.
Une proposition de loi sur les trophées de chasse
Un texte récent, enregistré à l’Assemblée nationale en avril 2025, propose de réguler l’importation et l’exportation de trophées de chasse. Bien que non encore adopté, ce projet répond à des préoccupations croissantes sur l’impact de la chasse sportive sur les populations animales.
Les réactions des acteurs de la société civile
La LPO dénonce une « loi qui simplifie la destruction de la nature », soulignant que les mesures proposées relèguent les enjeux écologiques au second plan. L’association pointe notamment la suppression des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), qui garantissaient une expertise indépendante dans les politiques publiques.
Un affaiblissement des consultations citoyennes
Le projet de loi modifie les modalités de consultation publique pour les projets industriels, en réduisant les délais et les obligations d’information. Cette réforme est perçue comme une atteinte au droit à la participation citoyenne, consacré par la Convention d’Aarhus.
L’UICN appelle à une révision des arrêtés de protection
Face aux lacunes identifiées, l’UICN recommande une révision urgente des arrêtés de protection d’ici 2026. L’organisation insiste sur la nécessité d’actualiser les listes d’espèces protégées et d’intégrer les habitats critiques dans les mesures réglementaires.
Enjeux et perspectives pour la biodiversité française
La protection des espèces menacées en France se joue désormais entre réformes controversées et initiatives sectorielles. Si les mesures récentes risquent de fragiliser les écosystèmes, des dispositifs comme la MAEC PRM ou Mission Nature 2025 montrent que des solutions existent pour concilier préservation de la biodiversité et développement économique.
Un équilibre délicat entre croissance et préservation
Les débats actuels révèlent une tension persistante entre les impératifs économiques et les exigences écologiques. Les défenseurs de l’environnement réclament une refonte des priorités législatives, en intégrant systématiquement les principes de précaution et de durabilité dans les projets de loi.
La nécessité d’une gouvernance renforcée
La suppression des CESER et l’affaiblissement des consultations publiques soulèvent des interrogations sur la participation citoyenne et l’expertise indépendante dans les décisions environnementales. Une réforme institutionnelle pourrait renforcer la transparence et la crédibilité des politiques publiques.
Un appel à l’action pour 2026
L’UICN fixe un délai impératif pour la révision des arrêtés de protection : 2026. Cette échéance constitue un test pour la France, qui doit concilier modernisation des textes et protection effective des espèces. L’enjeu est de ne pas laisser s’aggraver un déséquilibre déjà alarmant.
: vers une refonte des politiques de conservation
La protection des espèces menacées en France traverse une phase critique, marquée par des réformes contestées et des initiatives prometteuses. Pour répondre aux défis de la biodiversité, il est essentiel de renforcer les outils réglementaires, de préserver les mécanismes de participation citoyenne et de mobiliser des financements ciblés. Les prochains mois seront déterminants pour éviter un recul durable des politiques environnementales.